Journal du Nord
Vingt ans dans le Nord
Je travaille dans le Nord depuis plus de vingt ans. Vingt ans de départs, de retours, de routes blanches, de visages. Ici, le vent parle avant les hommes, la nuit dure plus longtemps que les rêves, et chaque lever de soleil est un rappel que la vie continue, même à -40. J’ai vu passer les saisons, les tempêtes, les collègues devenus frères, les appels qui coupent, les sourires qui tiennent bon malgré la distance. Le Nord m’a forgé. Pas juste le corps, l’âme aussi. C’est un endroit qui t’arrache le superflu pour te laisser vrai.
Naissance du projet
Berceuse de Fer est né là-haut, quelque part entre deux quarts de travail et un moment de silence. C’est une manière de raconter la réalité de ceux qui partent loin pour bâtir, nourrir, creuser, soigner, réparer, enseigner. Des hommes et des femmes debout, loin de tout, mais proches les uns des autres. Chaque chanson porte une trace du Nord. Une émotion, une fatigue, un souvenir, un espoir. On y parle de fraternité, de courage, de solitude, de lumière, mais surtout de la beauté brute de la vie.
Au début, c’était des notes dans un carnet, écrites entre deux vols, dans les heures creuses où la tête cherche à comprendre. Des bouts de phrases sur des papiers tachés de café. Des fragments de vérité, éparpillés.
Ces notes sont devenues des petits contes. Des récits du Nord, inspirés d’hommes et de femmes ordinaires qui font l’extraordinaire sans s’en vanter. Les mots se sont mis à respirer, à battre, à bouger. C’est comme ça qu’est né Berceuse de Fer.
Pourquoi “Berceuse de Fer”
Parce qu’ici, même les plus forts ont besoin d’une berceuse. Parce que le fer, c’est ce qui nous soutient, ce qu’on façonne, ce qu’on porte dans nos mains. Et parce qu’au fond, écrire, c’est une façon de tenir, de ne pas laisser le silence gagner. Berceuse de Fer, c’est la douceur qui résiste dans le bruit des machines. C’est la poésie des gars de chantier, la tendresse des travailleurs du froid. C’est des textes forgés entre deux mondes: celui du travail et celui du rêve.
La culture inuit - Apprendre à écouter
Les Inuits m’ont appris que le Nord n’est pas vide, il est vivant. Leur humilité, leur présence, leur façon de chanter avec la terre m’ont inspiré. Berceuse de Fer est un pont entre les travailleurs du Sud et les gardiens du Nord, où la neige porte la mémoire des pas.
La maladie, la mue, la vérité
En parallèle, j’ai toujours peint. Pendant mes traitements de chimio, pendant mes nuits blanches, entre deux retours d’avion. Mon art visuel et les mots avancent ensemble. Les deux racontent la même chose: la résilience, la beauté dans la fatigue, la lumière dans le gris. Mettre un peu de couleur sur un fond blanc. J’ai affronté plusieurs tempêtes, même quand le ciel avait l’air clair. Deux cancers, une maladie neuromusculaire, des années où le corps disait non, mais où l’esprit refusait de plier. C’est là, au plus creux du combat, que j’ai compris ce que ça voulait dire “vivre”. J’ai commencé à peindre, à écrire quand la parole préfère se taire.
Même dans la maladie, y’a quelque chose qui résiste.
Une chaleur qu’on appelle l’humain.
Mon style d’écriture
J’écris comme je parle. Sans chercher à plaire, sans maquiller. Des mots simples, vrais, bruts. Je mélange la poésie, le folk, la parole. Ce que j’appelle le spoken soul, entre la chanson et le témoignage.
Chaque texte vient d’un moment vécu par moi, par un proche, d’un souvenir qui serre la gorge, ou d’un regard échangé autour d’un café à quatre heures du matin.
J’écris comme je vis: entre le concret et le symbolique. Mes textes sont bâtis sur une base de poésie classique. Des rimes structurées (souvent en AABB, ABAB ou ABBA). Je les traite avec la liberté du spoken word et la musicalité du folk. J’aime quand les mots riment sans forcer, quand la phrase respire naturellement, quand la rime soutient le sens au lieu de le trahir. J’utilise parfois des alexandrins, mais brisés, reformulés, modernisés, comme si la rigueur du vers rencontrait la vérité du quotidien.
Pourquoi faire ce projet
Parce que c’est ce que j’ai entendu toute ma vie, des silences qui résonnent.
Dans les hôpitaux, dans les avions, dans le Nord. Des silences pleins d’histoires, de fatigue, d’amour, de courage. C’est mon histoire, nos histoires, mises en mots, en sons, en lumière. C’est un hommage à la résilience, à la fraternité, et à tout ce qui continue de battre, même dans l’ombre.
L’écho d’un silence
L’écho d’un silence est un voyage en quatre actes, une traversée intérieure:
- Acte I - Partir: Quitter, douter, découvrir la solidarité.
- Acte II - Vivre dans le Nord: Résister, aimer, partager.
- Acte III - Changer: Affronter la douleur, se reconstruire.
- Acte IV - S’élever: Trouver la paix, la lumière, transmettre.
Chaque chanson est un fragment de vie: l’amour à distance, le froid qui mord, la fraternité des camps, les blessures invisibles, la lumière boréale.
ACTE I - PARTIR
Quitter, douter, espérer.
1 - Le Départ
L’aube grise, la valise pleine de silence.
Un cœur qui reste derrière pendant que les mains tiennent le volant.
C’est le commencement du grand éloignement.
2 - L’Éloignement
L’amour à distance, les appels coupés, la photo dans le casier.
La patience devient une preuve d’amour.
3 - Le Froid
Le choc du Nord. Le froid qui mord, mais qui enseigne.
C’est l’épreuve initiatique, celle qui te fait plier sans te casser.
4 - Le Vent
Force vivante, compagnon invisible.
Il t’arrache ce qui est de trop, pour ne garder que l’essentiel.
5 - La Route Blanche
Le trajet vers l’inconnu, entre ciel et neige.
Un ruban sans fin où chaque flocon devient un souvenir.
6 - Les Gens
Le moment où l’on cesse d’être seul.
Les métiers, les visages, la solidarité.
Un hommage à tous ceux qui rendent ce monde possible: mineurs, cuisiniers, infirmières, chauffeurs, Inuits, électriciens, pompiers, directeurs, plongeurs…
C’est la chanson du “nous”.
Ici, on passe du choc à la solidarité. On a quitté la maison et trouvé les premiers visages.
ACTE II - VIVRE DANS LE NORD
Apprendre à résister, à aimer, à rester vrai.
7 - Sous Terre
Descendre, creuser, respirer la poussière.
800 pieds plus bas, on devient frères d’ombre et de lumière.
8 - Fraternité
Les rires, les surnoms, les soupers partagés.
C’est la chaleur humaine qui garde le cœur en vie.
9 - La Cabane
Petite chambre, grand refuge.
Là où les photos remplacent les bras, et où le silence devient ami.
10 - Les Enfants
Ceux qu’on laisse, ceux qu’on retrouve.
Une chanson d’amour et d’absence, pleine d’humanité.
11 - Nakurmiik
“Merci”, en inuktitut.
Une offrande aux communautés qui nous accueillent.
Un chant d’humilité et de reconnaissance.
12 - L’Été sans nuit
Le soleil ne se couche jamais.
On perd la notion du temps, mais on retrouve la beauté du monde.
13 - Les Fantômes du Nord
Les âmes qui ont tracé le chemin avant nous.
Leurs traces, invisibles mais présentes, veillent encore.
Ici, on vit le Nord dans toutes ses dimensions: humaine, intime, naturelle, mystique.
ACTE III - CHANGER
La douleur, la lucidité, la guérison.
14 - Berceuse de Fer
Le corps encaisse, l’esprit s’adapte.
Une chanson sur la force tranquille de ceux qui avancent malgré tout.
15 - L’Argent
Réflexion sur le sens du travail, le prix du temps, la vraie richesse.
À la fin, il reste ce qui ne se compte pas.
16 - La Faucheuse
Le combat intérieur.
Les cicatrices visibles et invisibles.
Une chanson de vérité, de fragilité, d’espoir.
17 - Ce que ça change
Le Nord transforme.
Ce qu’il brise, il le reconstruit autrement, plus fort, plus vrai.
18 - Le Retour
On revient, mais on n’est plus le même.
Le foyer devient un miroir de tout ce qu’on a vécu.
19 - Recommencer
Parce que tout recommence.
Les avions, les adieux, les nouvelles mains qui serrent les anciennes.
Le Nord, c’est un cycle, pas une fin.
C’est le passage initiatique: douleur, lucidité, guérison.
ACTE IV - S’ÉLEVER
Trouver la paix, la lumière et la transmission.
20 - Ceux qui attendent
Un regard tourné vers ceux qui restent.
Les familles, les amours, les enfants, ceux qui portent l’absence en silence.
21 - Silence
L’acceptation. Le moment où on comprend que tout ce qu’on cherchait, c’était le calme à l’intérieur. Hommage à ceux qui combattent des dépendances. Les proches, c'est aussi ceux qui te soutiennent quand tout est noir.
22 - Lumière Boréale
La conclusion du voyage.
Une élévation douce et lumineuse, là où le Nord n’est plus un lieu, mais une lumière intérieure.
Le Nord n’est plus dehors: il est en nous.
Remerciements
À mes collègues, mes frères du Nord, aux Inuits qui m’ont appris leur culture,
à ma famille qui m’attend, et à tous ceux qui savent que la distance, parfois, c’est juste une autre façon d’aimer.
Cette œuvre est purement artistique et ne représente ni ne reflète les opinions de quelque employeur, compagnie ou organisation que ce soit. Toute ressemblance avec des lieux ou personnes réels est fortuite. Je décris des réalités universelles vécues par plusieurs travailleurs éloignés, qu’ils soient dans les camps, dans l’armée ou sur la route.